Depuis 2012, la Journée internationale des personnes non binaires est célébrée chaque année le 14 juillet — une date choisie pour se situer à mi-chemin entre la Journée internationale des femmes et la Journée internationale des hommes. Cette journée — et la Semaine de sensibilisation aux personnes non binaires, qui débute le lundi précédent — est un moment pour reconnaître, célébrer et mettre en valeur les personnes non binaires à travers le monde, découvrir les diverses façons dont elles vivent leur identité, et réaffirmer notre engagement à faire progresser les droits des personnes non binaires, de toutes les manières possibles.
Les personnes non binaires vivent partout dans le monde, et ce, depuis les débuts de l’humanité. Des références à ce que nous décririons aujourd’hui comme des identités non binaires se trouvent dans certains des plus anciens récits auxquels nous avons accès, comme un mythe sumérien de la création datant du 2e millénaire av. J.-C., dans lequel la déesse Ninmah crée un être « sans organe mâle ni organe femelle ». Dans cette même culture mésopotamienne, il est aussi avancé que certaines personnes qui servaient dans les temples d’Inanna/Ishtar étaient perçues comme un « troisième genre », ni homme ni femme. Dans d’autres cultures anciennes, comme celles du monde gréco-romain (décrites dans Le Banquet de Platon) et du nord de la Thaïlande, on affirmait qu’il existait trois « sexes » à la création de l’humanité. De l’autre côté de l’océan, on pense aussi que les cultures mésoaméricaines reconnaissaient le genre comme étant fluide et faisant partie d’un spectre. Les Mayas vénéraient une divinité androgène du maïs, ainsi qu’une déesse lunaire à l’apparence masculine, et les anthropologues suggèrent qu’à l’apogée de la période classique maya, les dirigeant·e·s se présentaient comme « incarnant toute la gamme des possibilités de genre, de l’homme à la femme ». Les Incas, quant à eux, accordaient une grande importance aux quariwarmi (hommes-femmes) qui servaient Chuqui Chinchay, une divinité jaguar.
Il n’est donc pas surprenant qu’aujourd’hui, les identités non binaires et de « troisième genre » existent toujours à travers le monde, avec des expériences aussi variées que les couleurs de l’arc-en-ciel. En Thaïlande, plusieurs considèrent les kathoeys comme un exemple de troisième genre, bien que cette définition ne fasse pas consensus. Ailleurs en Asie du Sud-Est, le peuple Bugis du sud de Sulawesi, en Indonésie, reconnaît cinq genres distincts : makkunrai, oroané, calabai, calalai et bissu, que l’on peut approximativement traduire par femmes cis, hommes cis, femmes trans, hommes trans, et personnes androgynes ou intersexuées, respectivement. Encore une fois, tou·te·s ne s’entendent pas sur la classification des trois derniers comme « troisième genre », mais il est indéniable que celles et ceux qui s’identifient ainsi occupent un rôle social distinct de « femme » ou « homme ». De nombreuses cultures polynésiennes reconnaissent également des identités autres que simplement « homme » ou « femme », avec des personnes comme les māhū dans les cultures hawaïenne et tahitienne autochtones, les fakaleiti dans la culture tongienne et les fa’afafine dans la culture samoane, toutes respectées et aimées dans leurs communautés. En Asie du Sud, les hijras (aussi connu·e·s sous les noms aravani et khawaja sira) sont depuis longtemps un élément essentiel de leurs sociétés, vivant souvent dans des communautés définies et exclusivement hijras, avec leur propre culture, comme le système de parenté guru-chela.
Au Canada et sur l’Île de la Tortue (nom autochtone de l’Amérique du Nord), le terme bisprit est souvent utilisé comme terme générique pour décrire les nombreuses façons dont les peuples autochtones conçoivent et expriment le genre. Il est crucial de souligner qu’il s’agit d’un terme parapluie destiné à des publics plus larges, puisque chaque culture autochtone est unique et possède ses propres termes et concepts en lien avec le genre. Ce terme a été élaboré au fil de cinq conférences par plusieurs participant·e·s, et adopté officiellement lors de la Troisième Conférence annuelle intertribale des peuples autochtones, des Premières Nations, des personnes gaies et lesbiennes, qui s’est tenue à Winnipeg en 1990. Le terme anglais two-spirit fut proposé en premier, mais une traduction en ojibwé, niizh manidoowag, a rapidement été créée pour honorer les peuples dont le territoire accueillait la conférence. Michelle Cameron, une femme bispirituelle de la Nation Carrier, a écrit : « Le terme bispirituel est […] un terme autochtone spécifique de résistance à la colonisation et non transférable à d’autres cultures. Plusieurs raisons fondamentales expliquent le désir des Autochtones bispirituels de se distinguer de la communauté queer dominante. »
L’auteur de ce texte n’est pas autochtone et ne prétend donc pas pouvoir offrir une description complète, précise ou culturellement informée de ce que signifie le mot bispirituel pour les peuples autochtones, ni des identités et concepts culturels qu’il recouvre. Ainsi, je recommande fortement de consulter les écrits et témoignages des personnes bispirituelles pour réellement comprendre ce que ce terme signifie pour elles et comment il est vécu.
Il est extrêmement important de se rappeler, lorsqu’on découvre ces différentes identités et expressions à travers une perspective occidentale et anglophone, que notre terminologie et notre compréhension du genre et des identités non binaires ne correspondent pas toujours à la façon dont les personnes concernées se décrivent elles-mêmes. Nous devons toujours écouter en priorité les voix de celles et ceux dont les identités sont en jeu, et utiliser les mots et étiquettes qu’ils et elles nous demandent d’employer. L’intersectionnalité et la sensibilité culturelle sont essentielles dans ces discussions, tout comme le fait de reconnaître que certaines choses sont difficiles à traduire avec précision en anglais ou en français. Si vous souhaitez en apprendre davantage sur la richesse de l’expression et des identités de genre à travers le monde — ce texte n’est qu’un bref aperçu — je vous encourage une fois de plus à écouter directement les voix des personnes concernées, car elles seront toujours les mieux placées pour en parler.
Le moment historique que nous vivons peut sembler lourd pour toute personne faisant partie de la communauté LGBTQIA+, et plus particulièrement pour les personnes trans ou non binaires. Il y aurait beaucoup à dire sur la reconnaissance juridique et les droits des personnes non binaires à travers le monde, ainsi que sur la nécessité de lutter plus que jamais pour préserver et faire avancer les acquis — mais cela, nous le savons déjà. J’ai donc choisi de clore ce texte sur une note de célébration : une célébration de toutes les façons dont les personnes non binaires ont toujours existé et vécu leur vérité à travers l’histoire et partout sur la planète. L’espoir et la communauté sont essentiels. Nous devons continuer de nous soutenir et de nous élever les un·e·s les autres, du mieux que nous le pouvons.
En cette Journée internationale des personnes non binaires, prenons le temps d’honorer toute la beauté et la diversité qui rendent l’humanité si unique, et rappelons-nous que, peu importe où vous êtes dans le monde, peu importe comment vous vous identifiez ou vous exprimez, vous n’êtes jamais seul·e.




